Porto Rocha, (ré)itérer et l’art presque perdu de la rigueur

La conférence de Leo Porto et Felipe Rocha, au Kikk Festival de Namur en Belgique, m'a fait réfléchir ces derniers temps à cet art presque perdu de la rigueur et de la pensée décantée. Elle m'a aussi fait penser à The Last Samouraï. d'Edward Zwick (2003).

Le film d’Edwark Zwick de 2003est une adaptation libre d’une insurrection de samouraïs traditionalistes à Satsuma au Japon, en 1877. L’incursion devient caricaturale lorsque le récit met l’accent sur Nathan Algren, un vétéran américain incarné par Tom Cruise embauché comme mercenaire-ish pour former les troupes au combat en vue dans une ultime tentative de mater la rébellion.

Ce qu’il y a d’intéressant dans ce film, ce n’est pas la trame narrative. C’est plutôt la façon dont on décrit le rythme samouraï. Un art de vivre où la rigueur est une habitude et où le fait de remettre cent fois sur le métier est une normalité valorisée.

Après avoir entendu Leo Porto et Felipe Rocha, cofondateurs de l’agence new-yorkaise Porto Rocha, ça m’a semblé clair que les deux hommes sont en fait des samouraïs des temps modernes. 

Je le dis parce qu’à une époque où tout semble s'accélérer et dans laquelle les délais sont toujours de plus en plus courts, ils m'ont fait voir à nouveau la vertu de la créativité lente, progressive et rigoureuse

À l’instar de l’art samouraï, le design et la stratégie sont des disciplines pour lesquelles on ne devrait jamais se presser et où l’habitude confère un net avantage. La réflexion quotidienne et les itérations nombreuses servent le produit. Elles permettent de peaufiner, de penser aux différents usages possibles, de tester, de contre-proposer, de renforcer. Mais encore faut-il qu’on y soit ouvert.

Dans leur conférence, les gars de Porto Rocha ont fait toute la démonstration du pouvoir sous-estimé de la rigueur. Que ce soit avec leurs 217 itérations pour la campagne Nike Be True (j’exagère à peine) ou toute la réflexion derrière leur proposition d’image de marque pour le PAC NYC, on voit que tout est pensé, réfléchi. On prend le temps de se projeter dans diverses applications de la marque. On design en fonction de l’expérience client ou utilisateur, mais aussi en fonction du sens qu’on souhaite communiquer à travers la marque.

Cet art de la rigueur s’apprend, mais à la dure. C’est en fait bien plus qu’une compétence ou qu’un mindset qu’on pourrait actionner au besoin 

Chez Porto Rocha, c’est devenu un véritable crédo qui sert à merveille ces marques qui permettent à l’agence de (ré)itérer jusqu’à une parfaite maîtrise. Les résultats sont tout simplement époustouflants de beauté, de qualité et de sens.Totalement à l’opposé de la rigueur qui a été mise dans cette grande caricature qu’est The Last Samouraï.

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